La différence de traitement entre les hommes et les femmes d’un accident vasculaire cérébrale.

L'accident vasculaire cérébral (AVC) est une pathologie qui touche environ 140 000 personnes chaque année en France, causant plus de 40 000 décès. Il est souvent perçu comme une maladie masculine, alors qu’il représente en réalité la première cause de mortalité chez les femmes en France et la première cause de handicap acquis. Selon l’Inserm, 58 % des décès par AVC concernent des femmes, et les séquelles y sont généralement plus sévères. En raison de facteurs biologiques et hormonaux spécifiques, de symptômes parfois atypiques, et d'un manque de sensibilisation, les femmes rencontrent souvent des obstacles pour accéder à un diagnostic rapide et une prise en charge adéquate. L’ article qui suit explore les spécificités de l’AVC chez les femmes, en s’appuyant sur les témoignages de Margot, fondatrice du compte Instagram Mon Petit AVC, et de Mathilde Cabanis, formatrice et conférencière sur le handicap.

Les hormones féminines à l’origine de certains AVC ?

Les femmes sont particulièrement vulnérables aux AVC à certaines étapes de leur vie en raison des fluctuations hormonales. Des périodes comme la grossesse, la ménopause et l’usage de contraceptifs hormonaux augmentent leur risque d'AVC, un risque souvent sous-estimé par les femmes elles-mêmes.

Les contraceptifs oraux, contenant des œstrogènes, influencent la coagulation sanguine et peuvent augmenter le risque de formation de caillots. Selon la Fondation pour la Recherche sur les AVC, ce type de contraceptif peut multiplier le risque d'AVC ischémique chez certaines femmes, surtout celles ayant d’autres facteurs de risque comme le tabagisme ou l’hypertension. L'AVC ischémique représente environ 80 % des AVC, et survient lorsqu'un caillot bloque la circulation sanguine vers le cerveau.

Margot, enseignante de 33 ans, a subi un AVC ischémique alors qu’elle venait d’accoucher. Cette période de post-partum, marquée par des changements hormonaux et de la fatigue, est un moment de vulnérabilité accru. "On m’a souvent dit que l’AVC était une maladie d’homme plus âgé, je n’aurais jamais pensé y être confrontée", témoigne-t-elle. Son AVC a été diagnostiqué tardivement, car ses symptômes (vertiges, confusion mentale) ont d’abord été interprétés comme une migraine. Cette situation montre l’importance de prendre en compte les spécificités hormonales dans la prévention des AVC chez les femmes.

Lorsque l’AVC passe inaperçu

Les symptômes de l’AVC chez les femmes peuvent être différents de ceux observés chez les hommes,ce qui rend leur détection plus complexe. En plus des signes classiques (faiblesse d’un côté du corps, troubles de la parole, visage asymétrique), les femmes peuvent présenter des signes moins évidents comme une fatigue extrême, des évanouissements, des vertiges et une confusion mentale. 30 % des femmes ne présentent pas les symptômes classiques de l’AVC, nous informe l’INSERM, ce qui complique le diagnostic et augmente le risque de séquelles graves à long terme.

Mathilde Cabanis, qui a vécu un AVC hémorragique à l’âge de 21 ans, se rappelle avoir eu des maux de tête persistants avant l’AVC, mais sans autre signe visible. "J’avais mal à la tête de manière persistante, mais à 21 ans, je ne pensais pas du tout à un AVC". Lorsqu’elle a finalement consulté, les médecins ont d’abord pensé à du stress ou de la fatigue. Cette expérience montre que même les jeunes femmes peuvent être à risque et que des symptômes anodins peuvent masquer une urgence médicale. Les femmes de moins de 35 ans sont deux fois plus susceptibles que les hommes de faire un AVC, souvent en raison de facteurs hormonaux.

Le manque de prévention accru face à un AVC en France

En France, seulement 50 % des personnes savent comment réagir en cas d’AVC, ce qui entraîne des retards de prise en charge et aggrave les séquelles potentielles. Contrairement aux États-Unis, où des campagnes de sensibilisation sont massivement déployées, la France manque de campagnes d'information ciblant les symptômes de l'AVC, notamment ceux atypiques souvent observés chez les femmes.

"On connaît tous les symptômes de la crise cardiaque, mais qui connaît vraiment ceux de l'AVC ?", interroge Mathilde. Margot, également engagée pour une meilleure prévention, insiste : "Si on informait les Français sur les signes à connaître et quoi faire, on sauverait des vies et éviterait bien des séquelles." Leur témoignage reflète un besoin urgent de campagnes de prévention pour mieux faire connaître les signes de l’AVC.

Une prise en charge plus tardive chez les femmes victimes d’un AVC

Les témoignages de Margot et Mathilde révèlent aussi des inégalités de prise en charge entre hommes et femmes dans le cadre des AVC. Margot raconte avoir dû insister pour passer une IRM, bien que ses symptômes de confusion et de faiblesse soient évidents. Elle est convaincue que si elle avait été un homme, le diagnostic aurait été posé plus rapidement.

Les études montrent que les femmes victimes d’AVC attendent en moyenne 30 % plus longtemps avant de recevoir des soins médicaux d’urgence par rapport aux hommes. Ce retard est souvent lié à des stéréotypes de genre, qui peuvent amener le personnel médical à attribuer les symptômes des femmes à des causes psychologiques, retardant ainsi leur prise en charge. "Les médecins étaient persuadés que j’avais une migraine", raconte Margot. "Sans l’insistance de mon père, je ne sais pas ce qui me serait arrivé".

L’impact économique d’un AVC est plus élevé chez les femmes

Les conséquences économiques de l’AVC sont particulièrement lourdes pour les femmes, souvent moins bien rémunérées et occupant plus fréquemment des emplois précaires. Margot, contrainte de renoncer à son poste d'enseignante en raison de ses séquelles, explique que son revenu a été divisé par deux. "Je n’avais plus que 50 % de mon salaire, mais les factures, elles, ne diminuaient pas", dit-elle. Selon l’étude d’Assystel, les femmes ayant des carrières souvent fragmentées et des salaires inférieurs sont plus vulnérables aux impacts financiers d’un AVC.

Mathilde, qui a vécu une situation similaire, souligne : "J’ai eu la chance d’être encore étudiante lors de mon AVC, mais je pense à toutes ces femmes qui se retrouvent sans revenu et sans aide. C’est terrifiant." Les coûts de rééducation et de soins représentent une lourde charge pour les femmes, surtout pour celles sans soutien familial ni couverture sociale.

Une rééducation plus rapide que chez les hommes

La rééducation après un AVC est un processus long et exigeant. Margot et Mathilde expliquent que les femmes, souvent responsables des tâches familiales, sont poussées à reprendre rapidement leur rôle de mères ou de soutiens familiaux, ce qui peut compromettre leur rétablissement. "Je ne pouvais plus bouger mon bras gauche et j’étais censée m’occuper de mes enfants comme avant. C’était invivable", confie Margot.

Mathilde, quant à elle, a bénéficié d’une rééducation intensive, mais elle déplore le manque de soutien pour sa grand-mère, qui n’a pas eu accès au même niveau de soins en raison de son âge. "Ma grand-mère n’a pas eu accès à la moitié des soins que j’ai eus. C’est injuste. Chacun devrait avoir le droit à la même chance de récupération, peu importe son âge", ajoute Mathilde. Ce témoignage met en lumière l’impact de l’âge et du genre sur l’accès aux soins, qui complique davantage le rétablissement des femmes.

Les expériences de Margot et Mathilde soulignent l’urgence de renforcer la prévention et la prise en charge des AVC chez les femmes. En intégrant les spécificités hormonales et les symptômes atypiques dans les campagnes de sensibilisation, et en formant mieux les professionnels de santé, la société peut réduire les risques d’AVC chez les femmes et améliorer leur prise en charge.

"Je rêve d’un jour où chaque Français connaîtra les signes de l’AVC et saura quoi faire", conclut Margot. Avec des campagnes de prévention comme le modèle FAST, et en renforçant la formation des soignants, il est possible de sauver des vies et de réduire les séquelles. L'AVC représente un enjeu de santé publique majeur, et il est crucial de prendre en compte les spécificités féminines pour une prise en charge équitable et efficace.

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*Source image : Canva - Libre de droits

Écrit par Laure ROUSSELET

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