Les femmes représentent la majorité des aidants en France. Elles endossent un rôle essentiel dans la prise en charge des proches en perte d’autonomie, mais cette responsabilité a souvent un impact considérable sur leur propre bien-être physique, mental et financier. Le coût personnel de cette "aidance" reste largement méconnu et peu pris en compte dans les politiques publiques, malgré des chiffres qui révèlent l’ampleur du phénomène.
Qu’est-ce qu’un aidant ?
Un aidant est une personne qui apporte une aide régulière et non rémunérée à un proche en perte d’autonomie, qu’il s’agisse d’un parent âgé, d’un conjoint malade ou d’un enfant en situation de handicap. L’aidant effectue différentes tâches pour aider son proche à maintenir une vie aussi autonome que possible, incluant les soins personnels, les tâches ménagères, l’accompagnement médical, et l’assistance administrative. En France, on estime à près de 9,3 millions le nombre d’aidants, soit presque un Français sur cinq. Ces aidants jouent un rôle clé dans le maintien à domicile des personnes âgées ou en situation de dépendance, réduisant ainsi la nécessité de recourir aux établissements de soins spécialisés.
Le double fardeau des femmes aidantes
En France, les femmes sont en première ligne pour s'occuper de leurs proches en perte d'autonomie, qu’il s’agisse de parents âgés, de conjoints malades ou d’enfants en situation de handicap.. Elles assurent la majorité des soins, notamment pour leurs parents vieillissants. Une étude révèle que 70 % des aidants sont des femmes, une tâche perçue comme "naturelle" pour elles, mais qui entraîne des conséquences importantes sur leur vie.
Les femmes passent en moyenne deux fois plus de temps que les hommes à ces soins, environ 12 heures par semaine contre 6 heures pour leurs homologues masculins. Ces tâches incluent l’accompagnement aux rendez-vous médicaux, les soins d’hygiène, la gestion administrative, et plus encore. Ce temps dédié aux proches pousse 24 % d'entre elles à réduire leur activité professionnelle, tandis que 10 % ont dû quitter définitivement leur emploi. Cela a eu un impact négatif sur leurs revenus et leurs droits à la retraite, ce qui aggrave leur précarité économique à long terme.
Leur fardeau ne s’arrête pas là. Elles sont également plus susceptibles de se faire quitter après l'annonce d'une maladiegrave, comme le cancer. Près de 21 % des femmes malades voient leur relation prendre fin, contre seulement 3 % des hommes dans la même situation. Ce phénomène souligne une inégalité de soutien émotionnel, rendant la situation encore plus difficile à gérer pour ces femmes.
L’ampleur du rôle des femmes aidantes
Les femmes représentent environ 58 % des aidants en France, une proportion qui augmente avec le vieillissement de la population. Elles doivent souvent jongler entre leur vie professionnelle et les responsabilités liées aux soins, ce qui accentue leur niveau de stress et de fatigue. 49 % des aidantes sacrifient leur propre santé pour répondre aux besoins de leurs proches, qu’il s’agisse de parents âgés, de conjoints malades ou d’enfants en situation de handicap. Ce sacrifice se manifeste par le report de leurs propres soins médicaux, une négligence de leur bien-être, et une augmentation des risques de maladies chroniques.
Le vieillissement démographique en France fait peser un poids de plus en plus lourd sur les aidants familiaux, et particulièrement sur les femmes. Elles sont plus souvent sollicitées pour les tâches liées à l’accompagnement émotionnel et psychologique, en plus des tâches matérielles, créant une double charge physique et mentale.
Un impact direct sur la santé physique et mentale
Le rôle d’aidante a des conséquences directes sur la santé physique et mentale des femmes. 62 % des aidantes ressentent un épuisement intense, lié au stress chronique, à l’anxiété et à la dépression. Les troubles musculosquelettiques, causés par les tâches répétitives comme aider un proche à se lever ou à se déplacer, sont fréquents. Les femmes aidantes sont également plus sujettes à l’hypertension et aux maladies cardiovasculaires. De plus, les études montrent une prévalence accrue de symptômes dépressifs et de troubles anxieux chez les aidants, en raison de l’accumulation de responsabilités et du manque de soutien.
L’isolement social est également une conséquence fréquente pour les femmes aidantes. Les nombreuses heures consacrées aux soins réduisent leur capacité à entretenir des liens sociaux ou à se ménager des moments de répit. Cette situation est souvent exacerbée par le manque de services de répit accessibles ou de solutions de soutien adaptées.
Le coût financier et professionnel de l’aidance
L’aidance a également un coût financier significatif pour les femmes. En France, 25 % des aidants ont dû s’absenter de leur travail ou réduire leur activité professionnelle pour s’occuper d’un proche. Cela entraîne une perte directe de revenus, mais aussi une réduction des cotisations pour la retraite, exposant ces femmes à une plus grande précarité à long terme. En outre, les interruptions de carrière ou la réduction du temps de travail compromettent souvent la réinsertion professionnelle, entraînant un isolement économique accru pour de nombreuses femmes aidantes.
Un cadre législatif et social encore insuffisant
Malgré la reconnaissance progressive du rôle des aidants avec des lois telles que la loi ASV (Adaptation de la Société au Vieillissement) promulguée en 2016, les soutiens financiers et psychologiques restent largement insuffisants pour répondre aux besoins des aidants familiaux. L’Allocation Journalière du Proche Aidant (AJPA), bien que destinée à fournir un soutien financier aux aidants qui doivent suspendre leur activité professionnelle, reste limitée en montant et en durée. Cela ne suffit pas à compenser les pertes financières ni à offrir un réel soutien à long terme.
Des initiatives de soutien et de répit
Certains dispositifs existent pour offrir des solutions de répit aux aidants, comme les séjours temporaires en établissements spécialisés ou les services de soins à domicile. Cependant, ces offres sont encore trop rares et ne répondent pas à la demande croissante des familles. Le gouvernement a récemment lancé un plan intitulé "Agir pour lesaidants 2023-2027", qui prévoit la création de 6 000 places supplémentaires dans les établissements de répit d'ici 2027. Cette initiative vise à soulager les aidants en leur offrant des moments de repos tout en assurant une prise en charge de qualité pour leurs proches dépendants.
En complément des actions publiques, certaines associations comme l'Unafam se mobilisent pour proposer des formations spécifiques aux aidants confrontés aux troubles psychiques. Ces formations, accessibles à l'entourage familial, visent à aider les aidants à mieux comprendre et gérer les troubles anxieux, les troubles bipolaires et autres conditions psychiatriques de leurs proches. Ces initiatives permettent aux aidants de mieux appréhender les situations complexes et d'acquérir des compétences utiles pour alléger la charge mentale liée à leur rôle.
Vers une reconnaissance indispensable
Le rôle des femmes aidantes est essentiel, mais il reste insuffisamment reconnu et soutenu par les politiques publiques. Le vieillissement de la population et l’augmentation des maladies chroniques continuent de faire croître la demande de soins informels. Il est donc indispensable de développer des solutions de répit adaptées et d’augmenter les aides financières pour alléger la charge des aidantes. Ces femmes doivent être pleinement reconnues pour leur contribution non seulement à leur famille, mais aussi au système de soins français, qui repose en grande partie sur leurs épaules.
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Écrit par Laure ROUSSELET
*Source image: aidants44.fr
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