SERAFIN-PH : un nouveau financement exceptionnel dans le secteur médico social

Le gouvernement lance dès cette année le déploiement national de la réforme SERAFIN-PH, un projet structurant du secteur médico-social. Cette refonte du mode de financement des établissements et services pour personnes en situation de handicap veut aligner les ressources financières sur les besoins réels des usagers. Annoncée comme l'une des transformations les plus profondes de ces vingt dernières années, la réforme suscite pourtant de nombreuses interrogations sur le terrain. Les professionnels alertent sur une complexité administrative, un déficit d’accompagnement et des moyens jugés insuffisants.

Lancée initialement en 2014, la réforme SERAFIN-PH (Services et Établissements : Réforme pour une Adéquation des FINancements aux parcours des Personnes Handicapées) part d’un constat : le système actuel repose sur un financement “à la place”, indépendant des besoins individuels. Dans les faits, cela conduit à des situations paradoxales : une personne en situation de handicap avec un fort besoin d’accompagnement peut recevoir moins d’attention qu’une autre, mieux insérée dans une structure institutionnelle rigide.

Avec plus de 12 000 établissements et services médico-sociaux concernés, cette réforme vise à construire un système plus équitable, transparent et personnalisé. Le financement dépend désormais du niveau d’accompagnement requis : une personne ayant besoin d’aide pour les repas, la toilette ou les déplacements entraînera une dotation plus importante pour la structure.

Un principe ambitieux, mais flou dans sa mise en œuvre

Sur le papier, la logique semble claire : mieux répondre aux besoins des personnes en situation de handicap en finançant les établissements selon des indicateurs objectivés. Mais sur le terrain, les professionnels du secteur dénoncent un flou persistant. Quels seront les critères d’évaluation ? Qui en assurera l’objectivité ? Comment traduire ces évaluations en financement concret sans tomber dans l’arbitraire ou la standardisation ?

La campagne nationale de recueil de données, ouverte début février, impose à chaque structure de transmettre des informations détaillées sur les personnes accompagnées et sur les activités exercées, via des grilles d’analyse complexes.

Une lourde collecte de données, sans moyens humains renforcés

D’ici le 16 mai 2025, les établissements doivent avoir transmis leurs données à l’ATIH (Agence technique de l’information sur l’hospitalisation). En théorie, ces informations permettront de simuler l’impact du nouveau modèle tarifaire. En pratique, la majorité des professionnels interrogés dénoncent une surcharge de travail. À la complexité des grilles s’ajoute l’absence de personnel dédié pour remplir ces indicateurs techniques. Sans moyens supplémentaires, beaucoup craignent que cette réforme ne pénalise les structures les moins armées, accentuant les inégalités territoriales.

Certaines fédérations alertent également sur la temporalité : beaucoup d’acteurs de terrain découvrent la réforme sur le tard, avec peu de temps pour se former ou adapter leurs organisations internes. Les associations représentatives regrettent un manque de communication auprès des familles et des personnes en situation de handicap elles-mêmes, pourtant premières concernées.

Un processus de co-construction inégal selon les acteurs du handicap

Le gouvernement insiste sur la dimension participative de SERAFIN-PH. Le comité stratégique, relancé en 2023, rassemble les principales fédérations, les acteurs associatifs et les représentants du secteur. Mais selon plusieurs structures, la dynamique reste descendante : les décisions sont prises en central, puis diffusées localement, sans réelle appropriation. De nombreux professionnels estiment ne pas avoir été suffisamment associés à l’élaboration des outils ou aux simulations budgétaires.

Par ailleurs, les personnes en situation de handicap sont encore trop peu impliquées dans l’évaluation de leurs propres besoins, alors que la philosophie même de la réforme repose sur cette co-construction.

SERAFIN-PH pourrait permettre une transformation profonde du secteur médico-social. En reconnaissant les spécificités de chaque parcours, elle répond aux critiques formulées depuis des années par les usagers, les familles et les soignants. Mais pour que cette ambition se traduise concrètement, les professionnels réclament un accompagnement renforcé : soutien humain, formation, outils simplifiés, référents territoriaux, mais aussi garanties de continuité budgétaire. Sans ces moyens, la réforme pourrait alourdir les charges administratives et déstabiliser des structures déjà fragiles. Elle pourrait aussi créer de nouvelles inégalités, si les critères d’évaluation sont mal compris ou mal appliqués.

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Écrit par Laure ROUSSELET

*Source image: banque d'images libres de droit CANVA

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