Les douleurs menstruelles, ou dysménorrhées, touchent une proportion significative de femmes en âge de procréer. Pourtant, ces souffrances sont souvent minimisées, voire ignorées, tant dans le milieu médical que professionnel. Pourquoi une telle indifférence persiste-t-elle face à une réalité qui affecte profondément la qualité de vie de nombreuses femmes ?
Un problème de santé publique
Les douleurs menstruelles concernent une majorité de femmes. Selon une étude de l'IFOP réalisée en mai 2021, près d'une femme sur deux (50 %) déclare souffrir de règles douloureuses, un chiffre qui atteint 60 % chez les plus jeunes. Ces douleurs sont invalidantes chez environ 15 % des femmes, entraînant un absentéisme scolaire et professionnel significatif. En moyenne, une femme perdrait neuf jours de productivité par an à cause de ses règles douloureuses.
Si la dysménorrhée primaire est généralement sans gravité, la dysménorrhée secondaire peut révéler des pathologies sous-jacentes, telles que l'endométriose. Cette maladie gynécologique chronique touche environ 10 % des femmes en âge de procréer en France, soit près de 2 millions de personnes. L'endométriose se caractérise par la présence de tissu endométrial en dehors de l'utérus, provoquant des douleurs intenses et, dans certains cas, des problèmes de fertilité. Pourtant, le diagnostic de l'endométriose est souvent tardif, avec un délai moyen de sept ans en raison d'une méconnaissance de la maladie et de la banalisation des symptômes douloureux.
Un sujet encore tabou dans le monde du travail
La menstruation reste un sujet tabou dans de nombreuses cultures, y compris en France. Cette omerta conduit à une minimisation des douleurs associées et à une absence de prise en charge adaptée. Dans le milieu professionnel, les femmes hésitent souvent à évoquer leurs souffrances par crainte de stigmatisation ou de discrimination. Une enquête de l'IFOP de septembre 2022 révèle que 68 % des salariées de 15 à 24 ans déclarent souffrir de règles douloureuses, un chiffre qui diminue avec l'âge. Malgré ces chiffres, seulement 10 % des entreprises françaises ont mis en place des dispositifs d'aménagement comme le télétravail ou le congé menstruel.
Un coût économique et social non négligeable
L'ignorance et la sous-estimation des douleurs menstruelles ont également des répercussions économiques significatives. L'endométriose, par exemple, entraîne des coûts directs liés aux soins médicaux et des coûts indirects dus à la perte de productivité. En France, le coût total de l'endométriose est estimé à 10,6 milliards d'euros par an. Cette somme englobe les dépenses de santé, les arrêts de travail et les pertes de productivité liées à cette maladie souvent mal diagnostiquée et insuffisamment prise en charge.
Une reconnaissance encore limitée
Face à cette situation, des initiatives voient progressivement le jour. Certaines universités françaises ont instauré des congés menstruels pour les étudiantes souffrant de règles douloureuses, leur permettant de s'absenter sans pénalités. D’autres pays comme l’Espagne ou l’Italie ont déjà adopté des mesures similaires au niveau national. En France, le Sénat a récemment débattu sur une proposition de loi visant à instaurer un congé menstruel national, mais le texte reste en discussion.
Par ailleurs, plusieurs entreprises privées testent des politiques d’aménagement du travail, incluant le télétravail les jours de règles intenses ou des horaires plus flexibles. Toutefois, ces initiatives restent encore marginales.
Pour que les douleurs menstruelles soient prises au sérieux, il est essentiel de sensibiliser le grand public et les professionnels de santé à cette problématique. Une formation accrue des médecins sur les pathologies comme l'endométriose, une éducation dès le plus jeune âge sur le cycle menstruel et une communication plus ouverte sur ces sujets pourraient contribuer à lever le tabou et à offrir une meilleure prise en charge aux femmes concernées.
L’évolution de la reconnaissance sociale et politique de cette problématique sera déterminante pour améliorer la qualité de vie des femmes et garantir une prise en charge adéquate. Pour l’heure, l’ignorance persiste, et la prise en charge demeure insuffisante face à une souffrance bien réelle.
Plus d’infos ℹ️ :
- Coût de l'endométriose et impact socio-économique
- Stratégie nationale de lutte contre l’endométriose
- Proposition de loi pour un congé menstruel en France - Sénat
- Recherche sur l’endométriose en France
- Point sur les avancées de la recherche sur l’endométriose
- Règles douloureuses : symptômes, causes et traitements
- Étude IFOP sur l’impact des règles sur la vie des Françaises
Écrit par Laure ROUSSELET
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